Nous sommes à la fin du XIXe siècle, c’est la Belle Époque. La Suisse vient de découvrir les opportunités économiques offertes par le développement du tourisme sur les lacs et dans les montagnes. Les infrastructures se développent : les bateaux des lacs sont de plus en plus grands et leur décoration de plus en plus élaborée, trains de montagne et funiculaires apparaissent dans de nombreux cantons, de magnifiques hôtels de luxe sont construits pour le plus grand bonheur des touristes aisés qui viennent de toute l’Europe. Elisabeth, Impératrice d'Autriche et Reine de Hongrie va profiter de ces installations lors de plusieurs séjours sur la Riviera vaudoise. Elle fait partie de la légende de cette région comme en témoigne le monument érigé à Territet. Pourquoi choisir Territet comme lieu de séjour? Avançons plusieurs raisons. Cette petite bourgade située à l’écart de Montreux est calme (ce que l’Impératrice apprécie par dessus tout) mais n’est pas isolée : un funiculaire (inauguré en 1883, voir son histoire ici) permet de gagner Glion et, de là, le magnifique site panoramique des Rochers de Naye par un train à crémaillère construit en 1892. Voila de quoi satisfaire les désirs de promenade sportive de l’Impératrice. À quelques centaines de mètres de l’hôtel de Sissi, se trouvent la gare ferroviaire et l’embarcadère de la Compagnie générale de navigation née en 1873.
C’est le 18 février 1893 dans la matinée que l'Impératrice d'Autriche et Reine de Hongrie Elisabeth arrive à Genève par le train de Turin. Elle vient en Suisse pour la première fois et passera sa première nuit à Genève du 18 au 19 février à l’hôtel Métropole qu’elle rejoint directement en venant de la gare de Cornavin. La matinée du lendemain est consacrée à une promenade à pied sur le quai des Eaux Vives (maintenant quai Gustave Ador). Ironie du sort c’est ici que le bateau Genève (sur lequel Sissi embarquera le jour de sa mort) sera ultérieurement désarmé.
Vers midi, elle quitte Genève par le train et parvient à Territet en début d’après-midi. Elle a voyagé à bord d’un wagon de 1ère classe loué auprès de la compagnie du Jura-Simplon qui arrive à Montreux à 15 heures. Elle va loger à Territet, dans l’ancienne modeste auberge devenue en 1855 le très bel Hôtel des Alpes, dépendance du Grand Hôtel. Des appartements y avaient été réservés pour un mois par le comte Liechtenstein, un habitué du Grand Hôtel, sans qu’il donne le nom des occupants.
Le 28 février est le jour de l’arrivée de son époux, l’Empereur François-Joseph. L’Impératrice, accompagnée de deux dames de sa suite et de son valet de chambre, quitte son hôtel à l’heure du déjeuner pour gagner Lausanne où le train de l’Empereur est attendu dans l’après-midi. Le train de l’Empereur arrive en gare de Lausanne vers 16 heures. L’impératrice, qui se promenait sur le quai de la gare au milieu d’un nombreux public, accompagnée d’une seule dame d’honneur, s’est portée à la rencontre du wagon dans lequel voyage l’empereur François-Joseph. Les époux se retrouvent puis embarquent dans le wagon spécial qui est maintenant attaché au train de Territet. Le train quitta Lausanne à 16 heures 45 ; le wagon impérial était précédé d'un autre wagon de 1ère classe du Jura-Simplon destiné aux officiers de la suite de l'empereur et suivi d'une voiture de 2° classe pour le personnel. Les installations du wagon impérial comportent : au centre du wagon un salon d'une richesse inouïe entièrement capitonné de velours bleu ciel ; puis un autre salon pour les personnes de la suite, une chambre à coucher, une petite salle à manger et deux petites pièces pour les valets de pied.
Le couple impérial arrive à Territet à 18 heures et gagne à pied le Grand Hôtel des Alpes. La presse raconte : «L'empereur donnant le bras à l'impératrice a traversé la foule qui saluait en se découvrant à chaque instant. C'était un spectacle au moins original que de voir le chef de la puissante dynastie des Habsbourg arpenter rapidement les trottoirs de Territet suivi par le prince de Liechtenstein et la comtesse de Festetics. Ce couple impérial est d'une réelle distinction ; l'impératrice d'abord svelte fine simplement vêtue d'une robe noire sans le moindre ornement d'une petite jaquette à col de fourrure et d'un chapeau ultra modeste ; l'empereur ensuite dans son vêtement sombre a l'air d'un rentier en villégiature. »
La Tribune de Genève datée du 1er mars 1893 nous renseigne sur le séjour de Sissi : «S. M. l'impératrice d'Autriche-Hongrie est dit-on enchantée de son séjour à Territet… Elle passe ses journées à se promener dans les environs; la grève du lac reçoit ses plus fréquentes visites. L'impératrice abhorre la compagnie: elle se fait généralement accompagner par l'une de ses dames d'honneur Mme de Festetics ou Mme de Feifalik. M. Barker chargé de donner des leçons de grec à la souveraine est souvent de la partie. À l'hôtel des Alpes qui est une dépendance du Grand-Hôtel somptueux édifice luxueusement installé, l'impératrice est inscrite sous le nom de comtesse de Hohenembs ; elle occupe avec les personnes de sa suite immédiate une demi-douzaine de chambres. L'empereur et sa cour en exigeant à peu près le double, cette annexe a été presque entièrement réservée à ces voyageurs de haut rang. »
Construit en 1841 comme une modeste auberge, le Chasseur des Alpes devint Hôtel des Alpes en 1855, puis en 1888 après l’adjonction d’un nouveau bâtiment décidé par Ami Chessex (hôtelier et homme politique vaudois, qui fut avec son beau-frère Alexandre Emery l’initiateur du développement de l'hôtellerie à Montreux). Sissi logea donc à l’ Hôtel des Alpes et son impérial époux au Grand Hôtel.
Le 15 mars, François-Joseph part rejoindre Vienne non sans avoir fait quelques cadeaux aux employés du bureau de poste de Territet ainsi qu’au personnel des gares de Territet et Lausanne. Le lendemain, 16 mars, Elisabeth quitte Territet à midi, arrive à Berne, prend une collation au buffet avant de faire une promenade dans les rues et de reprendre le train pour Lucerne où elle arrive dans la soirée. Elle passe la nuit à l’hôtel National et quitte Lucerne le 17 mars dans la matinée après, comme d’habitude, une promenade à pieds sur les quais pour gagner Lugano où il est prévu qu’elle passe quelques jours. Elle arrivera à Gênes le 26 mars dans la soirée, toujours dans le wagon du Jura - Simplon et passe la nuit au Grand Hôtel Isotta. Le lendemain, elle s’installera à bord du yacht impérial Miramar et visitera Gênes pendant quelques jours avant de gagner sa résidence de l’Achilléion à Corfou. Son séjour à Gênes est relaté sur deux sites https://dearmissfletcher.com/2013/06/14/limperatrice-sissi-turista-nella-superba/
et https://unarapidaebbrezza.blogspot.com/2012/12/homepage.html.
La presse genevoise, en particulier la Tribune de Genève, a relaté quotidiennement les activités du couple impérial, s’interrogeant sur la durée du séjour et évoquant les rares désagréments occasionnés par quelques personnes («principalement anglaises») qui suivaient assidûment l’Impératrice. C’est également la presse qui nous apprend que « Composée de 18 personnes, sa suite comprend quelques hauts dignitaires des cours d’Autriche et de Hongrie, la comtesse Sztaray, dame de compagnie de sa Majesté de 1893 à 1898, et 42 pièces de bagages… ».
Le yacht impérial Miramar |